Aller au contenu

Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

embuscade, l’oreille tendue, l’œil au guet, la carabine à la main, attendant un gibier qui n’arrivait pas.

— Hé quoi ! Monsieur, seriez-vous par hasard un de ces hardis brigands siciliens dont j’ai entendu faire tant d’agréables récits d’assassinat et de vol, et dont la vie hasardeuse a si bien inspiré Salvator Rosa ?

— Oui, certes, reprit le brigand, j’ai été dans mon temps un de ces hardis Siciliens, comme vous dites, un jovial et courageux bandit, enlevant l’homme et son cheval sur la grande route, aussi habilement qu’un filou français peut voler une misérable bourse dans une foire de village. À ces mots, il baissa la tête et j’entendis un profond soupir.

— Il me semble que vous devez bien regretter cette belle vie, lui dis-je avec l’air du plus grand intérêt.

— Si je la regrette, Monsieur ! vivre autrement ce n’est pas vivre. Rien n’égale, sous le soleil, un digne habitant des montagnes. Figurez-vous un montagnard de vingt ans : un habit vert aux boutons d’or, les cheveux élégamment noués et retenus par un léger filet, une riche ceinture de soie à laquelle ses pistolets sont suspendus, un large sabre qui traîne derrière lui en jetant un son formidable, une carabine brillante comme l’or sur ses épaules ; à son côté, un poignard au man-