Aller au contenu

Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le mal, sans mémoire, sans espérance, sans souvenirs, se promenaient d’un pas lent et silencieux. Dans cette foule, pas un malade n’aurait osé se plaindre même à Dieu, tant ils ont peur d’être entendus des hommes ! C’était partout, et sur tous ces visages et dans toutes ces âmes, la même lèpre, la même honte, la même fange infecte, le même désespoir. Ah ! me disais-je, tu veux de l’horreur ; ah ! te voilà à la poursuite de toutes les infamies ! ah ! tu sors de chez toi, le matin, uniquement pour contempler toutes sortes de lambeaux, de pourritures et de corruptions ; eh bien ! sois satisfait, sois repu d’infections et de vices ! Mais pourtant sortons, sortons au plus vite de cette peste. Et en effet, j’allais pour sortir ; quelqu’un me dit : L’hôpital est double ; ici sont les hommes, là-haut sont les femmes ; ne voulez-vous pas voir les deux sexes ? Des femmes ici ? des femmes ? Hélas ! à peine sur l’escalier, je rencontrai des nourrices infectées par le frêle nourrisson qu’elles tenaient encore sur leur sein flétri, plutôt avec un regard de pitié que de colère ; de pauvres filles de la campagne, pleurant et ne concevant rien à leur maladie, rien au sourire moqueur qui les accueillait, cachaient leur tête dans leur tablier de bure. À la porte de ce repaire, une jeune femme, innocente, — et déplorable victime du lien