Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/199

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beauté eût été belle encore ; jugez de la beauté d’Henriette ! Chacune de ses heures sonnait une fête, une trahison ou un plaisir. Chaque matin, à son réveil, Rose, sa soubrette, lui apportait, fraîchement imprimées, cent mille calomnies toutes neuves sur tout ce qui était la beauté, l’esprit, la jeunesse, la vertu. En lisant ces calomnies et ces injures, Henriette se consolait d’être séparée de ce monde auquel elle rendait mépris pour mépris ; venaient ensuite les journaux de modes, le journal des théâtres et les billets doux, et elle choisissait à la hâte son chapeau, son spectacle et son amant de la journée. Midi sonne, les chevaux sont à la voiture chargée d’armoiries mensongères ; c’est l’heure de la rue Vivienne et des lentes promenades si chères à une jolie femme, quand, s’arrêtant à chaque magasin nouveau et recueillant les murmures flatteurs des jeunes ouvrières qui l’encombrent, elle hésite entre mille nouveautés du matin, essaie une étoffe, puis une autre, ajoute ou retranche une fleur à son chapeau, compose sa parure d’une simple gaze ou d’une riche dentelle, et, après quatre heures de ce doux travail, remonte dans sa voiture pour se parer le soir de ces étincelantes frivolités.

Le soir venu, l’Opéra l’appelait ou bien le Théâtre-