Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Italien ; le luxe des arts et leurs chefs-d’œuvre, fêtes royales de chaque jour ; et pendant que la foule des honnêtes gens attendait patiemment à la porte du théâtre, sous la pluie, et les pieds dans la boue et souvent à jeun (car c’est là une admirable passion, la musique), que son tour fût venu d’acheter, au prix de trois jours de travail, une place obscure et rétrécie dans le coin le plus incommode de la salle, elle arrivait, elle la favorite des riches, au grand galop de ses chevaux, et elle descendait resplendissante de pierreries ; elle avait pour lui donner la main, pour être son chevalier d’honneur, quelque homme grave et bien posé dans le monde, un conseiller d’État, un président de cour royale, un pair de France, ou tout au moins quelque vieux soldat de l’Empereur, héroïque fragment d’une victoire, qui, pour donner la main à cette fille, avait mis son plus grand cordon bleu ou rouge ; derrière elle, et tout prêt à se faire tuer pour lui épargner une insulte, marchaient, heureux et fiers de la suivre, les plus beaux et les plus jeunes, lui servant ainsi de gardes du corps. Elle entrait dans sa loge avec fracas, interrompant sans pitié madame Pasta ou madame Malibran, qui chantait ; elle se penchait dans la salle, afin que le