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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/206

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pagnes lui avaient donnés pendant qu’elle était à l’hôpital. C’est surtout dans les ladreries de ce siècle que les agents de la corruption recrutent leurs tristes victimes : l’hôpital, digne antichambre d’un pareil boudoir ! À force de mémoire, Henriette en vint donc à se rappeler le nom d’une protectrice inconnue à laquelle on l’avait adressée, un asile qu’on lui avait recommandé avec chaleur ; elle ne retrouva, après bien des efforts, que le nom de cette femme, mais non pas son adresse, tant c’était là une fille imprévoyante et comptant sur sa fortune. Donc elle me dit, après un grand quart d’heure de réflexion : — Savez-vous où demeure madame de Saint-Phar ? On m’a dit qu’elle me traiterait comme son enfant, et qu’elle aurait toujours pour moi un lit, une robe et une place à sa table. Menez-moi chez madame de Saint-Phar.

Je vous ai dit, et vous l’avez déjà vu, que je suis un honnête garçon ; je ne savais pas même le nom de madame de Saint-Phar ; c’est pourtant un nom populaire parmi les étudiants, les militaires et les commis-voyageurs. Encore moins savais-je l’adresse de la dame. Cependant je me dirigeais naturellement vers le quartier le plus riche et le plus corrompu de la ville, quand, au milieu de la route, je rencontrai, heureusement,