Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/207

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quelques militaires en goguette, de beaux soldats de la garde royale, donnant le bras à des filles de trois pieds, d’une horrible figure, et aussi fiers que s’ils avaient conquis des princesses italiennes. — Messieurs, criai-je aux soldats, seriez-vous assez bons pour me dire où demeure madame de Saint-Phar ? La question flatta mes vaniteux soldats, mais elle les embarrassa ; plus heureux que moi, ils connaissaient fort bien le nom de cette dame et sa profession décevante ; plus d’une fois, dans leurs belles nuits de corps-de-garde, ils avaient entendu messieurs leurs sous-officiers parler entre eux de ces demeures comme on parle chez les vrais croyants du paradis de Mahomet ; mais m’indiquer au juste la maison que je cherchais, cela leur était impossible. Suspendues à leurs bras, et toutes mortifiées de n’être pas plus savantes, leurs aimables compagnes restaient immobiles. À la fin, relevant sa moustache : — Si Agathe ne peut pas vous donner l’adresse de madame de Saint-Phar, me criait un caporal, il faudra que vous alliez la demander à mon lieutenant, qui pourrait y aller les yeux fermés.

Cependant Agathe, qui était à quelques pas plus loin, arrivait lentement, majestueusement, comme une femme qui s’encanaille et qui a des gants. Je la saluai