Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/215

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— Mon avis est, dit la première, qu’on en fasse une grisette : d’abord nous manquons de grisettes, et ensuite rien ne prend un grand seigneur ou un homme ennuyé qui passe, comme le bas blanc bien tiré sur une jambe faite au tour, le tablier noir, facile à remplacer ; et ajoutez que c’est un costume peu dispendieux pour la maison.

— Pour moi, dit l’autre, je trouve que rien n’est usé comme la grisette ; on en rencontre dans tous les magasins, dans tous les vaudevilles et dans tous les romans de mœurs ; il y a beaucoup d’hommes qui ne sont pas assez grands seigneurs et assez vieux pour attaquer ouvertement un bonnet rond et un tablier noir. Parlez-moi d’une bourgeoise ! La bourgeoise est du domaine général. Elle ne compromet personne. On peut la suivre, on peut lui donner le bras sans rougir. D’ailleurs, une bourgeoise est bien vite improvisée ; la robe de soie, le soulier de peau de chèvre, le chapeau de velours, le châle Ternaux, les gants de couleur, une forte odeur de musc et d’ambre, l’air décent ; certes, voilà de quoi tourner toutes les têtes des étudiants et des marchands en détail.

— À la bonne heure ! reprit sa compagne ; mais ces marchands sont avares, ces étudiants sont tapageurs, et d’ailleurs cette fille-ci est trop jeune pour être une bourgeoise ; ce sera bon dans cinq ou six mois d’ici ; j’aimerais