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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/314

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maudit lieu, rien ; pas un petit convoi, pas un parent qui pleure, pas un bouquet à vendre ! pour tout visage, des valets de bourreau qui à peine vous paient à boire. Triste métier ! j’aimerais autant être gendarme ou commis de l’octroi. » Et il s’arrêtait sur sa bêche, dans l’attitude d’un honnête cultivateur qui voit s’achever une longue journée d’été.

— Il me faut cependant une fosse profonde, repris-je d’un air impérieux : six pieds ; creuse toujours, et tu auras, cela fait, un bon pour-boire.

— Six pieds pour un supplicié ! vous n’y pensez guère ; il faudrait une heure avant de le déterrer ce soir.

— Six pieds tout autant ! le cadavre m’appartient !

— Raison de plus, mon bourgeois, si le cadavre est à vous, reprenait le fossoyeur ; puis, retournant la tête : Il se fait tard, dit-il, ils ne peuvent manquer d’arriver bientôt.

En effet, je vis de loin venir lentement une lourde charrette ; un voiturier à pied la conduisait ; deux hommes étaient assis sur la banquette de devant, les bras croisés ; on les eût pris pour deux garçons bouchers arrivant de l’abattoir. Au milieu de la charrette on pouvait distinguer confusément quelque chose de rouge et représentant grossièrement un corps humain ; c’