Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/322

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— Sainte Vierge ! s’écria l’une d’elles, n’est-ce pas un meurtre de voir de si beau linge jeté dans la terre comme un cadavre ?

— Encore si c’était dans une terre bénite ! disait une autre.

— Vous verrez qu’une guillotinée aura des chemises plus neuves qu’une chrétienne ! reprenait une troisième.

Parmi toutes ces femmes il y avait un homme gros, fleuri, à la voix douce et flûtée, un philosophe, un beau parleur ; cet homme se tenait sur le bord de la fosse, aussi attentif à tout voir qu’à tout entendre. Il était si calme, si tranquille, si curieux, si à l’aise, à cette place ! Entre autres observations, il en fit une qui était atroce et dont je me souviens maintenant. Je venais de fixer le linceul d’une main tremblante, et je disais tout bas un dernier adieu à mes tristes amours ; lui, cependant, il expliquait à ces femmes comment ces chemises de femme sans col étaient plus favorables que les nôtres à une exécution. — La toilette est plus vite faite, disait-il ; le bourreau n’est pas obligé de couper la chemise de la condamnée, et vous pensez que ce doit être terrible, ces ciseaux froids qui grincent derrière ce cou que l’on va trancher tout à l’heure. Puis, remarquant