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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/88

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gée par un amant d’un grand nom, qui lui-même était protégé et défendu par son amour, s’était faite dame de charité, pour être autre chose encore que la maîtresse d’un gentilhomme de la chambre du roi. Elle avait mêlé un grain d’encens à l’ambre de sa toilette, sa profane beauté s’était agenouillée sur un prie-dieu, et elle n’en avait paru que plus élégante. En ce temps-là, la beauté, même profane, tout comme la noblesse, tout comme la fortune, était un titre à être bien reçu dans la maison du Seigneur. Henriette eut bientôt ses grandes et ses petites entrées et son banc officiel dans l’église. Le suisse agitait devant elle les plumes de son chapeau et le fer sonore de sa hallebarde. Elle demandait l’aumône d’une main si petite, d’une voix si douce ! Je la vois encore à toutes les belles fêtes, tenant dans sa main blanche, ornée de diamants, un sac de velours violet, appelant par un sourire la vaniteuse charité des hommes, par un salut, la mesquine charité des femmes. Un jour elle entra chez moi pour quêter à domicile ; j’étais seul !

Il était deux heures de l’après-midi ; un ardent soleil d’été dévorait toute ma rue ; mes volets étaient fermés, j’avais sur ma table un charmant bouquet de roses, l’appartement était frais et brillant, éclairé seulement par