Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/89

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un indiscret rayon du soleil, qui, vainqueur de tous les obstacles, bleu et blanc comme les rideaux, allait justement prendre ses ébats sur une délicieuse tête de madone qu’on dirait échappée au pinceau de Raphaël. Elle entra donc chez moi, cette jeune beauté devenue si brillante ; elle était seule, elle était parée ; elle agita l’air embaumé de mon salon, et sur sa tête émue, je retrouvai comme un reflet printanier du vif incarnat que je lui avais vu le premier jour. Je fus poli, je fus empressé et même tendre. Elle qui n’avait pas fait attention à moi, homme de la foule, elle venait aujourd’hui chez moi, à une heure aussi indue que si c’eût été le soir ; elle était assise là, enfin ; me regardant enfin, m’adressant la parole, enfin ; là pour moi, pour implorer mon aumône ! J’oubliais un instant toute sa vie présente pour ne plus me souvenir que de l’enfant et des premiers jours de Charlot.

— Vous venez donc enfin me voir, ma jeune Henriette, lui dis-je en la faisant asseoir, comme un homme qui parle à une vieille connaissance, ou encore comme un homme qui sait à qui il parle et qui débute sans façon.

— Henriette ! ma chère Henriette ! reprit-elle presque indignée ; mais, Monsieur, vous savez donc mon nom de baptême ?