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Page:Janin - La Bretagne, 1844.djvu/60

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moi, ma mort reste illustre ! Laissez-moi la vie, votre clémence est « immortelle. »

Si l’empereur Claude ne se connaissait guère en fait d’héroïsme, en revanche, il se connaissait en éloquence. Il pardonna à ce héros qui parlait si bien, il lui rendit ses enfants et sa femme, mais sans lui rendre la liberté. Au reste, privés même de leur roi, les Silures n’en continuèrent pas moins la guerre, et Suétonius Paulinus, le rival de Corbulon, fut envoyé dans la Bretagne pour dompter les rebelles.

L’île de Mona était alors le refuge de tous ceux qui fuyaient la Bretagne pour échapper au joug de l’étranger, lieu d’asile, position excellente, dont Paulinus résolut de se rendre maître. Là, en effet, les Bretons fugitifs transportaient leurs dieux, leurs croyances, leurs libertés. La cavalerie romaine reçut l’ordre de traverser le détroit à la nage, tandis que l’infanterie le franchissait sur des bateaux plats. Lutte admirable ! rude épouvante ! En approchant de l’île sacrée, les Romains aperçurent l’armée ennemie qui offrait aux regards comme une forêt armée ; c’était une multitude d’hommes-furieux, et dans cette foule ameutée, convaincue, se tenaient, hurlantes, des femmes en longs habits de deuil, échevelées, furieuses, et portant à la main des torches enflammées. Tout autour de cette masse, les druides, les mains levées au ciel, vomissaient d’horribles imprécations.

C’était effrayant à voir, terrible à aborder, sauvage à entendre. À l’aspect de cette résistance de la voix, des armes, de la superstition, de la croyance. L’armée romaine se trouble et s’épouvante ; les soldats s’arrêtent, éperdus. Ils regardent, ils interrogent l’espace, ils pâlissent ; leurs mains défaillantes laissent tomber l’arme prête à frapper… Le courage leur revint à la voix de leurs chefs ! Eh quoi ! reculer devant des femmes, devant des prêtres, eux, les descendants des Scipion, des Camille et des Brutus ! Obéissant à la voix de leurs chefs, les Romains marchèrent en avant, et précipitèrent les druides dans les flammes qu’ils avaient eux-mêmes allumées.

Ce fut à peu près vers la même époque qu’une nouvelle et terrible insurrection éclata dans l’île de Bretagne. La femme du roi des Icéniens avait été battue de verges ; ses filles, sous les yeux de leur mère, avaient été déshonorées par des soldats romains. À la nouvelle de ces atroces exécutions ; voici qu’une grande partie des insulaires courent aux armes et se ruent dans la vengeance. La colonie de Calomadunum, dont les soldats exerçaient sur les indigènes d’horribles brigandages, se trouve attaquée la première. Vieillards, femmes, enfants,