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Page:Janin - La Bretagne, 1844.djvu/67

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versées nageaient dans le sang, disent les anciens poëtes ; la chronique saxonne est encore plus énergique : « En ce temps-là, Ælla et Cissa assiégèrent Andérida, et ils firent un tel carnage de ses habitants, que c’est à peine si un seul Breton réussit à s’échapper[1]. Les chefs nationaux déployèrent dans toutes ces guerres de grands talents militaires : Ambrosius, Arthur, Urrien, ne se montrèrent ni moins braves ni moins habiles que jadis Caswallanw ou Caradoc. Courage donc ! Vues à cette distance, ces luttes terribles donnent à cette histoire je ne sais quel intérêt tout-puissant. La férocité de ces rudes jouteurs disparaît pour ne laisser voir que leur courage. Mais le courage ne suffit pas toujours, la force a de grandes chances de succès ; dans ces mêlées de peuple à peuple, celui qui attaque a ce grand avantage sur celui qui se défend, que la nécessité le pousse, et que ses vaisseaux sont brûlés. L’histoire des Bretons insulaires sera l’histoire des Saxons, plus tard. Donc aujourd’hui les Saxons restent les maîtres, les Bretons cèdent la place, la victoire du Saxon fut complète, la fuite des Bretons fut sans retour ; chassés de la plaine, qui est le beau pays, ils furent réduits à chercher un asile dans les montagnes de Cornwall et de la Cambrie. Les Saxons laissèrent les fugitifs dans leurs derniers retranchements, mais ils firent main basse sur tout le reste. Le fer et la flamme se mirent de la partie dans cette occupation d’une terre volée à ses maîtres légitimes. Tout ce qui voulut se défendre fut mis à mort ; qui fut pris, fut vendu comme esclave. Pauvre île et célèbre de la Grande-Bretagne ! par combien d’invasions encore, et par combien de massacres, et par quels conquérants il te fallait passer, avant que d’arriver à remplir le monde de ta gloire, de ton égoïsme et de ta grandeur !

  1. Chronique saxonne, p. 15.