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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/102

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s’attaquait à l’une des exploitations les plus graves des besoins du consommateur nécessiteux. Même aujourd’hui, les dangers de la vente à crédit dans les classes populaires sont bien connus. Un des grands avantages des sociétés coopératives de consommation est précisément d’affranchir les petits consommateurs de l’exploitation des marchands par l’habitude du paiement au comptant. Le législateur civil, à certaines époques, compléta cet ensemble de mesures protectrices du consommateur besogneux par la prohibition de la vente des blés en vert et généralement des récoltes sur pied. Si, en cela, il dépassait la doctrine canonique, dans bien d’autres circonstances il restait en deçà.

Dès le xiiie siècle, beaucoup de statuts municipaux autorisaient la perception d’un intérêt ; plus tard les rois de France le permirent aux foires de Lyon et beaucoup d’États, à partir du xvie siècle, généralisèrent cette législation, parce que les cas dans lesquels il y avait lucrum cessans, manque à gagner, par le fait qu’on avait prêté son argent ou vendu sa marchandise à terme, devenaient de plus en plus fréquents. Le législateur civil, qui doit statuer de hoc quod plerumque fit, devait modifier son point de vue, de manière à ne pas étouffer les applications nouvelles du crédit à la production[1]. Elles se produisaient d’autant plus que le taux de l’intérêt baissa considérablement à cette époque par suite des progrès économiques généraux : le commerce et l’industrie pouvaient donc plus facilement utiliser un capital emprunté.

Actuellement, le développement des valeurs mobilières, des fonds publics, voire des caisses d’épargne, fait qu’il y a lucrum cessans pour le créancier à peu près dans tous les cas.

  1. Voyez dans notre étude citée plus haut comment au xvie siècle les monts-de-piété furent autorisés à se procurer des fonds en allouant un intérêt aux dépôts qui leur étaient faits. Dès leur fondation, les Papes les avaient autorisés à percevoir un intérêt modéré sur les prêts qu’ils faisaient. Ces décisions eurent une importance très grande pour l’adaptation de la doctrine canonique au nouvel état économique.