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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/306

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C’est le chancelier de L’Hôpital, qui, s’inspirant de l’esprit de réglementation et de despotisme dont les Tudors donnaient l’exemple en Angleterre, introduisit les défenses de vendre le blé aux marchands dans un rayon de huit lieues autour de Paris, un peu moindre autour des autres villes, les prohibitions aux marchands de blé de s’acheter et de se revendre les uns aux autres, l’obligation de vendre les quantités amenées au troisième marché à quelque prix que ce fût… Les Parlements avaient établi, chacun autour de la ville où il siégeait, un régime réglementaire semblable et l’on sait la résistance aveugle qu’ils opposèrent aux réformes essayées par Louis XVI.

Le contrôleur général Terray et ses collaborateurs Bertin, l’intendant de Paris, de Sartines, le lieutenant général de police, prétendaient que l’existence d’un commerce organisé était une cause de renchérissement des marchandises et particulièrement du blé. D’après leur correspondance officielle, les honnêtes gens s’abstenaient de cette affaire et la laissaient aux rapports directs du producteur et du consommateur. En réalité, ils croyaient si peu à la possibilité de l’approvisionnement direct des consommateurs par les producteurs qu’ils chargeaient des marchands commissionnés par le gouvernement d’assurer l’approvisionnement de Paris et des principales provinces. Mais ce commerce réglementé et privilégié avait pour résultat de rendre le blé beaucoup plus cher qu’il ne l’aurait été si le commerce libre eût pu opérer. Le Trésor s’appauvrissait ; les consommateurs payaient cher ; seuls, ces négociants commissionnaires pour le compte du gouvernement s’enrichissaient par des manœuvres, qui donnèrent naissance à l’absurde, mais terrible légende du pacte de famine[1].

  1. Après les beaux travaux de MM. Gustave Bord et Biollay, la question du pacte de famine a été encore élucidée dans un mémoire présenté à l’Académie des Sciences morales et politiques par M. Georges Afanassiev, de l’Université d’Odessa (comptes-rendus de 1890). Le savant professeur a mis en pleine lumière par des recherches personnelles aux archives les quelques faits de renchérissement local qui se sont produits dans les provinces par les concussions d’agents secondaires, alors que Terray, comme son prédécesseur Laverdy, poursuivait, aux dépens du Trésor, la chimère de l’approvisionnement à bon marché par le Gouvernement.