Aller au contenu

Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pendant un temps plus ou moins long le monopole du marché[1]. Manœuvres frauduleuses et constitution d’un monopole artificiel, voilà les deux éléments qui, réunis, constituent l’accaparement.

Le simple fait de retirer des existences du marché, de faire la rareté par l’abstention de vendre, ne constitue pas une manœuvre frauduleuse. « C’est ce que font tous les cultivateurs qui peuvent attendre dans l’espoir de profiter des hauts prix futurs, » écrivait de Metz-Noblat en 1867. A cette époque, toute l’alimentation publique reposait sur des réserves locales. Les greniers avaient dans toutes les fermes un grand développement et nous avons encore connu tel propriétaire à son aise, qui était fier de conserver les récoltes de trois années. Quel était le résultat de ces habitudes ? « Au lieu de vendre, ils gardent, ajoutait de Metz-Noblat, et de là une hausse immédiate au profit de ceux qui sont obligés de vendre, hausse qui sauvegarde l’approvisionnement du marché pour la fin de l’année. Mais le cultivateur qui garde, qu’est-ce, sinon un spéculateur ? Eh bien !quand le spéculateur proprement dit achète au cultivateur, qui faute d’avances est obligé de vendre, il n’y a là qu’une substitution de personnes dans le même office[2]. »

Les anciennes législations punissaient sous le nom d’accaparement des faits aussi simples et aussi légitimes. De réglementation en réglementation, on en était arrivé à enlever non seulement au négociant, mais au propriétaire le droit de disposer de sa chose ! C’était là un état de choses relativement nouveau ; car, comme le constate Delamarre dans son Traité de la police, jusqu’en 1567 « le commerce des blés était libre à toutes sortes de personnes : les laboureurs et les propriétaires qui faisaient valoir leurs terres en pouvaient acheter les uns des autres pour les revendre : les marchands en faisaient autant[3] ».

  1. Courcelle-Seneuil, Traité théorique et pratique d’économie politique, t. I, pp. 429-432.
  2. De Metz-Noblat, les Lois économiques, chap. xiii, 2e édit. p. 95.
  3. V. l’exposé de cette réglementation avec la reproduction des textes dans le 2e rapport sur les commerces du blé, de la farine et du pain au Conseil d’Etat, par F. Le Play. In-4,1860 (appendice).