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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/37

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la richesse générale dans les cantons qui l’ont tenté et l’on doit condamner les abus de pouvoir de quelque côté qu’ils viennent.

Nous aurons, en vertu de ce principe, à nous demander s’il n’y a pas des réformes importantes à faire en France pour dégrever les faibles, sans pour cela chercher à détruire les riches. L’Angleterre a donné depuis quinze ans les meilleurs modèles de cette politique financière (chap. xiii, §8).

Les droits de douane protecteurs peuvent facilement être portés à un point qui assure des profits à des classes particulières de producteurs aux dépens de la masse de la nation. Dans certains cas, ils se justifient soit comme une taxe somptuaire, soit comme le moyen d’introduire une industrie nouvelle dans un pays neuf, soit encore comme un expédient pour maintenir la population et les capitaux dans un vieux pays éprouvé par ce que M. Ad. Coste appelle judicieusement les crises de travaux publics[1]. Mais quand ces droits sont généralisés et poussés trop loin, ils deviennent une forme de l’exploitation de la masse de la nation par une classe de privilégiés. C’est le caractère qu’avaient les corn laws en Angleterre au siècle dernier et dans la première moitié du dix-neuvième. C’est celui qu’ont les tarifs douaniers que font voter aux États-Unis les grands manufacturiers, après avoir à force d’argent corrompu le suffrage universel. Déjà cet abus de la législation avait servi de thème à Henri George pour un de ses ouvrages les plus spécieux[2]. L’excès a été poussé encore plus loin par le tarif Mac Kinley, édicté à la suite du grand effort d’argent fait par les monopolistes pour assurer, en 1889, l’élection de M. Harrisson (chap. viii, §8). Là est l’origine d’un certain nombre de grandes fortunes américaines, qui ne se seraient jamais

  1. Nouvel exposé d’économie politique et de physiologie sociale (Guillaumin, 1889), pp. 237 et suiv., p. 351.
  2. V. son ouvrage Free Trade and Protection (New-York, 1885). Les vingt premiers chapitres sont irréfutables. L’exagération du protectionnisme fournit aux revendications socialistes un argument très plausible. Les ouvriers demandent à l’intervention de l’État dans l’organisation industrielle de les faire participer aux bénéfices que la législation douanière assure aux patrons.