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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/38

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constituées sous un régime de liberté économique et de moralité politique (§ 11).

En Allemagne, les Kartelle, constitués avec la faveur du gouvernement et l’abri des droits protecteurs, en sont arrivés à vendre bon marché à l’exportation, tandis qu’ils surélèvent les prix à l’intérieur (chap. viii, § 6). Les statistiques que nous reproduirons plus loin en rendent saillants les résultats : l’enrichissement rapide des classes riches, l’appauvrissement relatif des classes pauvres (§ 10). Ce sont des exemples qu’il faut avoir toujours présents à l’esprit pour ne pas transformer un expédient en système.

VI. — Les abus anciens n’ont généralement pas laissé de traces appréciables, nous l’avons démontré, et quant aux abus modernes leur influence n’a pas été telle qu’elle ait empêché un accroissement des populations européennes proportionné à celui de leurs richesses.

Quoi qu’on puisse penser des procédés des statisticiens qui évaluent, par exemple, la fortune privée de la France à 180 ou 200 milliards de francs, celle de l’Angleterre à 218, celle de l’Allemagne à 158, celle de l’Europe entière à 1.000 milliards, celle des États-Unis à 350, la richesse est certainement beaucoup plus grande de notre temps qu’il y a cent et deux cents ans[1].

Dans cet énorme accroissement des valeurs inventoriées, il faut évidemment tenir compte de la hausse dans l’évaluation, qui correspond à la diminution du pouvoir d’acquisition des métaux précieux. Tous les prix ayant monté, — les produits comme les salaires[2], — naturellement les capitaux sont

  1. V. de Foville, la France économique (2e édit., 1890), pp. 521 et suiv. L’éminent statisticien répond justement aux entrepreneurs de révolutions sociales qui trouveraient que 180 ou 200 milliards partagés entre 38 millions d’habitants feraient toujours 4 à 5.000 francs par tête, qu’on partage bien en nature de l’or, du blé, du vin, mais qu’on ne peut pas partager de la même manière des capitaux industriels, des fonds de commerce dont la valeur repose essentiellement d’une part sur leur agrégation et de l’autre sur la confiance que l’on a dans la sécurité de la propriété. Le partage ou même seulement l’appropriation par la collectivité des grandes entreprises industrielles et commerciales, ainsi que des hôtels et des châteaux, ferait disparaître la plus grande partie de cette accumulation de richesse, que nous chiffrons par 180 ou 200 milliards pour la France.
  2. Néanmoins, la valeur de toutes les céréales et des vêtements communs a baissé depuis le commencement du siècle. C’est tout à l’avantage des classes populaires dans le budget desquelles l’alimentation, spécialement la consommation du blé, figure pour une proportion beaucoup plus considérable que dans les dépenses des classes riches ou moyennes. V. Appendice, la Question monétaire en 1892.