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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/43

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d’autres encore m’avaient déjà disposé à m’élever contre cette allégation et les statistiques sur l’accroissement du capital m’autorisent encore à protester contre elle. Il y a eu progrès général et l’effet nécessaire d’un accroissement continu du capital est un effet de dissémination. Si la propriété foncière avait été constamment en absorbant de plus en plus des épargnes nationales par la rente (unearned increment), ma conclusion serait différente ; mais l’unearned increment est évidemment peu de chose (cf. chap. iv, § 2). Ce que tous ces chiffres s’accordent à établir, c’est qu’il y a eu un exhaussement régulier de la condition des masses depuis plusieurs siècles et que ce progrès se manifeste en grande partie par des additions constantes à la classe supérieure des artisans. Il y a bien un résidu social, qui ne s’améliore pas beaucoup et par comparaison semble à peine s’améliorer dans l’ensemble ; mais ce résidu certainement diminue en proportion et probablement diminue quant à son chiffre total de siècle en siècle et de période en période[1].

Si l’on pouvait faire pour la France des calculs aussi précis, on arriverait à des résultats semblables[2] ; car toutes les fois qu’on peut suivre l’histoire d’une branche du travail, à moins qu’il ne s’agisse d’un de ces métiers que les progrès de la technique tendent à faire disparaître, on constate une amélioration considérable du salaire effectif et des conditions de vie de l’ouvrier[3]. Les grosses fortunes sont bien moins nombreuses[4] chez nous ; car il n’y a pas eu de concentrations

  1. The Growth of capital (London, 1890), p. 113. M. Marshall, l’éminent professeur de Cambridge, déclare que M. Leone Levi et M. Robert Giffen ont complètement prouvé l’amélioration de la condition des ouvriers en ce siècle. Selon lui, Thorold Rogers a donné une idée exagérée du bien-être des travailleurs du xve siècle en généralisant des faits exceptionnels. Principles of Economies (2e édit., London, 1891), t. I, p. 45 et pp. 709 et suiv.
  2. V. Beauregard, Essai sur la théorie du salaire. La main-d’œuvre, son prix (Laroso et Forcel, 1887) p. 61 et suiv., p. 114.
  3. L’étude des ouvriers du bâtiment à Paris a prouvé que depuis 1830 les salaires des ouvriers de toutes les catégories ont plus que doublé. L’élévation du coût de la vie n’a pas dépassé 40 p. 100. Si la condition de la famille ouvrière est cependant toujours à peu prés la même, c’est que cette augmentation du salaire réel a été employée à améliorer le vêtement, le logement, la nourriture, surtout et à diminuer le temps consacré au travail. V. dans la Réforme sociale du 16 septembre 1891, les Variations des salaires à Paris dans l’industrie du bâtiment depuis 1830, par M. E. Delaire. Cpr. la Question ouvrière : charpentiers de Paris, par M. P. du Maroussem (1891, Rousseau). Dans les petites villes et surtout dans les campagnes le progrès définitif est beaucoup plus accentué, parce que les causes de dépenses (loyer, repas pris au dehors), ne se sont pas développées dans les mêmes proportions.
  4. V. de Varigny, les Grandes fortunes en France et en Angleterre, ch. iii. Sur les 700 millionnaires (possesseurs d’un million de livres st.), existant dans le monde entier, 200 se trouveraient en Angleterre.