Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/466

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mieux n’avoir pas besoin de recourir aux Traitants[1]. Dans l’ensemble, ces mesures exceptionnelles coûtaient fort cher aux contribuables ; l’exemple de ce qui se passa sous Colbert et après lui le prouve. C’est seulement depuis que les gouvernements ont renoncé à des procédés essentiellement injustes, à cause de leur arbitraire et du mépris de la foi promise, que le mal des Traitants a presque disparu.

Affaires extraordinaires, c’est-à-dire emprunts et créations d’offices, — prise en ferme de certains impôts, — approvisionnements des armées depuis qu’elles ne vivaient plus à discrétion sur le pays : voilà le triple service que l’État demandait aux Traitants.

Parmi eux, plusieurs paraissent avoir eu des qualités remarquables et même du patriotisme. Les frères Crozat, Samuel Bernard et surtout les quatre frères Paris sont des figures intéressantes. Les frères Crozat, nés à Toulouse, l’un en 1655, l’autre en 1665, viennent à Paris sous Louis XIV, font la banque, prêtent aux Vendôme et au Régent. En 1712, ils obtiennent le privilège du commerce du Mississipi qu’ils cèdent ensuite à Law. L’aîné des Crozat marie sa fille au comte d’Évreux, fils du duc de Bouillon. Ses trois fils furent le marquis de Châtel, le président de Fugny, le baron de Thiers. Le marquis de Châtel devint lieutenant général et avait épousé Mlle de Gouffier : ses filles furent la duchesse de Choiseul et la comtesse de Stainville. Le baron de Thiers avait épousé une Montmorency-Laval et eut trois filles qu’il maria au comte de Béthune, au duc de Broglie, au marquis de Béthune.

Samuel Bernard, banquier de la cour sous Louis XIV, était d’origine protestante ; mais s’était converti. De grandes spéculations et des partis dans les finances publiques lui firent gagner une fortune, qui à son apogée pouvait être de 60 millions. Saint-Simon a raconté comment, en 1708, Louis XIV lui demanda en personne de venir au secours de l’État, et sa générosité, en cette circonstance. Malgré les pertes et les

  1. Richelieu, Testament politique, 1re partie, chapitre iv, section 4.