Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/550

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cet élément providentiel inhérent [fin page529] à toutes les choses humaines qu’on appelle vulgairement la chance. Beaucoup de ces fortunes sont parfaitement légitimes, et cet ouvrage a eu précisément pour objet de faire le départ entre ce qui est juste et ce qui ne l’est pas dans les procédés du commerce et dans les spéculations sur les valeurs mobilières. D’autre part, si l’usure proprement dite a à peu près disparu des nations civilisées (§ 3), les abus du capital n’en existent pas moins sous d’autres formes : brigandages de l’accaparement, fraudes de l’anonymat, agiotage coupable de la Bourse. Incontestablement, telle est l’origine d’un certain nombre de grosses fortunes contemporaines.

Faut-il pour cela condamner en bloc l’ordre économique naturel et la liberté civile que notre époque a eu le mérite de dégager des entraves qui l’avaient longtemps étouffée ?

Non assurément. Quand on étudie les causes du mal moderne, on reconnaît que la liberté économique n’y est pour rien, que son maintien est parfaitement compatible avec les mesures, par lesquelles la Société peut combattre les formes nouvelles du mal, et enfin que cette liberté est la condition sine qua non du développement des forces médicatrices qui existent dans l’ordre économique et de l’essor des institutions capables d’améliorer l’état de choses actuel.

II. — L’ordre économique est permanent dans son essence. Étudiez-le dans l’antiquité grecque ou au moyen âge, vous voyez constamment les mêmes principes tendre à se dégager, les phénomènes de valeur par exemple se produire dès que des hommes libres contractent sans contrainte[1]. Mais le développement de la richesse générale en ce siècle s’est surtout manifesté : 1° par la grande augmentation de l’outillage industriel et par l’importance du capital circulant,

  1. L’abbé Onclair, dans un travail publié en avril 1891 par la Revue catholique des institutions et du droit, a reproduit un grand nombre de passages de saint Thomas, de Lessius, de Molina, qui montrent que les phénomènes de valeur observés par les scolastiques étaient absolument identiques à ceux de notre temps. Seulement le champ dans lequel ils se produisaient était beaucoup plus resserré.