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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/592

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dans leur condition, [fin page571] souvent sans que le public ni eux-mêmes s’en aperçoivent.

Le seizième siècle, qui, comme le nôtre, a vu se poser à la fois toutes les questions religieuses et sociales, a été troublé par une révolution monétaire d’une importance telle que la répétition en semble impossible. La production des mines du Mexique et du Pérou décupla la quantité d’or et d’argent en circulation ; en soixante-cinq ans, de 1520 à 1585, la puissance d’acquisition des métaux précieux baissa de 300 pour 100, et, comme les gouvernements remanièrent leurs systèmes monétaires au hasard et presque toujours au rebours des principes économiques, les prix se trouvèrent sextuplés ou décuplés, selon les objets. Indépendamment des souffrances immédiatement occasionnées par cette perturbation, le résultat fut que tous les rapports sociaux se trouvèrent réajustés sur de nouvelles bases, quand une certaine régularité se fut établie dans la production des métaux précieux et que les quantités ajoutées chaque année à la circulation furent versées dans un stock déjà assez abondant pour ne plus déranger brusquement l’équilibre des prix. Les dettes anciennes furent amorties presque complètement par le seul fait de la dépréciation de la monnaie ; les anciennes races féodales et les fondations charitables des siècles passés furent presque toutes ruinées ; l’argent devint une marchandise, et le taux de l’intérêt, qui était auparavant de 10 et même de 20 pour 100, tomba à 6 pour 100 ; un essor considérable fut donné au commerce ; certaines formes de la grande industrie commencèrent à naître ; mais les gouvernements se mirent aussi à emprunter, et, malgré la hausse des salaires nominaux, les ouvriers ne retrouvèrent plus de longtemps les moyens d’existence que les anciens prix du travail leur assuraient sous Louis XII et sous Henri VII[1].

A défaut de la permanence dans la puissance d’acquisition de la monnaie, qui ne peut pas être obtenue complètement, la stabilité du système monétaire est donc un intérêt de premier ordre, et il faut bien prendre garde d’y porter atteinte, sous prétexte de parer à une souffrance passagère.

II. — La baisse de 33 pour 100 qu’éprouvent, sur le marché des métaux précieux, l’argent en barre et les piastres qui servent aux transactions avec l’Inde, donne une vive surexcitation aux exportations de ce pays et augmente singulièrement les facilités d’achat pour les importateurs Européens. Pendant les années où l’importation des blés de l’Inde en Europe a fait les prix sur nos marchés, les agriculteurs

  1. Voy., dans la Réforme sociale du 15 novembre 1886, la Crise monétaire au seizième siècle, par M. Jules des Rotours. L’auteur a bien voulu y résumer, avec une compétence particulière et en y ajoutant ses vues personnelles, les leçons que nous avons faites sur ce sujet à l’Université catholique de Paris, en 1886.