Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/615

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ses conditions de réalisation possible. Les variations des prix des diverses marchandises ne devraient pas compter également. Une baisse de 20 pour 100 sur le blé en effet ne peut pas être compensée par une hausse pareille sur le chocolat ou le café ; une baisse de 10 pour 100 sur le cuivre n’a pas la même importance que sur le fer. Il faudrait tenir compte de l’importance relative dans la consommation de chacune des marchandises prises pour types et donner des coefficients proportionnels à cette importance aux prix moyens, dont on déduirait la moyenne générale indiquant le rapport de la monnaie et des marchandises.

La monnaie ordinaire continuerait à régler les transactions au comptant ou à court terme. L’étalon des valeurs, ainsi déterminé, serait appliqué aux contrats dont l’exécution embrasse une période d’une certaine durée, aux emprunts des États et des villes, aux obligations émises par les compagnies, voire aux emprunts faits par les particuliers, s’ils s’étaient soumis à son application. Par exemple, quand un emprunt de 100.000 francs contracté le 1er juin 1887 viendrait à échéance le 1er juin 1897, on verrait quelle modification aurait éprouvée la puissance d’acquisition de la monnaie : si elle avait baissé de 10 pour 100, le débiteur devrait rendre 110.000 fr. ; si elle avait haussé de 20 pour 100, il serait quitte en payant 80.000 fr.

Assurément l’équité serait mieux observée ; car, dans les conditions actuelles, le débiteur ou le créancier est forcément plus ou moins sacrifié dans l’exécution d’un contrat à long terme.

Une application partielle de ce système a été faite avec succès par la loi anglaise de 1836 sur la conversion des dîmes. Le payement imposé au contribuable est calculé chaque année sur la valeur qu’ont le froment, l’avoine et l’orge, comparativement aux prix de 1836, de manière que le décimateur puisse toujours se procurer la même quantité de ces produits. En 1875, une redevance ; qui était en 1836 de 100 liv. ster., fut portée à 112 liv. ; en 1886, elle tomba à 90 livres.

Mais quand, au lieu de la conversion en argent d’une redevance en nature déterminée, il s’agit d’une créance de monnaie, c’est-à-dire d’un pouvoir d’acquérir toute chose échangeable, la détermination du changement de sa puissance d’acquisition est bien plus délicate.

A propos d’un projet de ce genre, un maître de la science statistique, M. Cheysson, a fait ressortir toutes les difficultés pratiques et les incertitudes de la détermination des prix moyens. On peut passer outre quand on fait seulement une recherche scientifique ; mais s’il s’agit de toucher à l’exécution des contrats, ces objections sont capitales[1]. Il faudrait aussi supposer un bien grand progrès dans les

  1. Voy. Journal de la Société de statistique de Paris de janvier 1886.