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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/72

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paya 5 millions de francs aux chemins de fer et aux bateaux qui transportaient ses produits. Ce qu’il a fait gagner aux autres est bien plus considérable que ce qu’il a gagné lui-même.

Ces progrès ne sont généralement acquis qu’au prix de dépenses considérables. John Brown, le roi du fer en Angleterre, ne dépensa pas moins de cinq millions de francs en essais avant d’arriver à fabriquer des plaques d’acier capables de résister aux projectiles. M. J. Holden, l’un des plus grands tisseurs de l’Angleterre, l’inventeur d’un procédé perfectionné de peignage de la laine, qui substitue le jeu régulier de la machine au travail irrégulier de l’ouvrier, déposa devant une commission d’enquête, que l’on n’avait pas dépensé en 1889, moins de deux millions de livres st. en tâtonnements : lui-même avait sacrifié plus d’un million et quart avant de découvrir un système satisfaisant de peignage, et, à sa connaissance, M. Lister à lui seul avait consacré une somme plus considérable encore aux mêmes recherches[1]. Si l’on considère les sommes dépensées en essais par les inventeurs qui n’ont pas réussi, on se convaincra que les fortunes des inventeurs heureux sont peu de chose par rapport à la masse des produits créés et des salaires distribués aux ouvriers sous l’influence de l’esprit d’invention et grâce à la reconnaissance légale de ses droits.

III. — Mais la richesse n’est pas produite seulement chez les peuples modernes par l’invention scientifique proprement dite ; elle l’est encore par les hommes qui ont la conception de nouveaux rapports économiques et qui réalisent cette conception en groupant, sous leur direction, les éléments dont le concours est nécessaire. C’est là le rôle propre de ceux que la langue scientifique appelle les entrepreneurs et que l’on a nommés d’une façon plus expressive les captains of industry.

Van der Bilt, qui a établi aux États-Unis les grandes lignes de navigation, puis les premières voies ferrées, M. Brassey, le grand constructeur des chemins de fer européens au

  1. De Varigny, les Grandes fortunes, pp. 74, 155.