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Page:Jarry - Les Minutes de sable mémorial, 1932.djvu/126

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LES MINUTES

L’éphèbe regardait ses mains. De ses mains pécheresses seules je souffrais les caresses veules, et j’avais repoussé sa bouche comme un grand papillon macroglosse vers un bois louche. Et voyant remuer ses mains, voici deux chouettes centenaires sur le bois du pied de son lit que leur spectre noir embellit, voici deux chouettes qui marmonnent de leurs pures lèvres de corne, marmonnent et ne chantent pas. Les chouettes retiennent le glas, près de tomber, deçà leurs lèvres.

« Elles n’ont point sonné ma mort, n’ont point sonné mon hallali, les deux chouettes au pied du lit, maigres comme des sycomores. Et la mort doit prendre une vie. Quand les chouettes sonneront ma mort, quand leur grasse langue dans leur bec battra comme un battant de cloche, livre à la mort la chanteuse noire. Pitié ! voici jointes mes mains, jointes mes mains qui t’ont servi. La mort ne prendra qu’une vie. Sauve qui t’aime et t’a servi. »

Je tiens le pistolet brillant comme un cierge, avec lequel je coupe en l’air des fils de la Vierge ; c’est avec le même sans doute, pour entendre leurs cris, que j’attendais les femmes et les enfants