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Page:Jarry - Les Minutes de sable mémorial, 1932.djvu/127

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DE SABLE MÉMORIAL

au bord des routes. Voici les deux oiseaux noirs chamarrés d’hiéroglyphes qui me font des signes. Ils font des gestes de leurs cous, des gestes fous qui incantent.

Et j’écoute dilettante le râle, prologue ouvrant le concert qui m’enchante ; le râle est comme un train qui vibre au loin et surtout comme un cadavre dans un tonneau roulant de l’horizon jusqu’à mes pieds du haut d’une montagne. Et toutes les forces de celui qui va mourir orchestrent ce râle sublime, et ses yeux qui voient les lendemains sont fermés aux deux oiseaux symétriques, mes frères, claquant du bec et toussotant par avance sur le lit déjà funéraire. Et je ne suis point effrayé, sauf mon bras droit qui tremble, mais je le tiens fermement de mon impavide main gauche.

Il est aisé de tuer un hibou au pistolet : son beau front noir brille éclairé de ses deux yeux, ronds luminaires. Je les tuerai, quand ils chanteront, mais ils se taisent et ne me font point peur : car ils n’ont rien dit, ou du moins que ces mots insignifiants sortis de leur bouche de corne purificatrice sous leurs yeux blonds qui me fixaient : « Il est là, qui tient son bras. »