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DE SABLE MÉMORIAL

et leurs lèvres bavantes et leurs narines d’escargots fermés ; et qu’à l’horizon éloigné mon corps terrestre me parut claquer des dents et serrer dans ses bras sans les pouvoir réchauffer ses côtes de stalactites. Et, descendu, l’escalier aux marches de lentille m’aveugla de son éclair jaune.

Et un employé poli qui lavait les morts me dit : « Ne vous plaignez plus, il y a cent ans que nous n’existons plus ; suivez le corridor en face, en comptant les années. Trente ans plus loin vous trouverez une morgue où les poètes ronflent, où des téléphones causent aux morts à travers les parois de glace ; où par des guichets spéciaux les assassins reconnaissent. »

Et trente ans plus loin, tournant le bouton de cuivre, j’entrai dans une salle — telle un bureau de télégraphe — où un homme, la plume à l’oreille, m’ayant demandé ce que je désirais, à l’aventure, je répondis : « Je viens pour le mort no 4.

— La preuve que vous l’avez tué ? Pas de papiers, pas de couteau estampillé ? N’importe, je me fie à votre air honnête ; au sixième guichet, touchez l’argent qu’il avait sur lui. »

Et, un papier bleu remis au caissier, le gousset