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LES MINUTES


L’orgue soupire et gronde en sa trompe d’airain
Des sons sinistres et sourds, des voix comme celles
Des morts roulés sans trêve au courant souterrain…
Des sylphes font chanter les clairs violoncelles.

C’est le bal de l’abîme où l’amour est sans fin ;
Et la danse vous noie en sa houleuse alcôve.
La bouche de la tombe encore ouverte a faim ;
Mais ma main mince mord la mer de moire mauve…

Puis l’engourdissement délicieux des soirs
Vient poser sur mon cou son bras fort ; et m’effleurent
Les lents vols sur les murs lourds des longs voiles noirs…
Seules les lampes d’or ouvrent leurs yeux qui pleurent.

II

Pris
dans l’eau calme de granit gris,
nous voguons sur la lagune dolente.
Notre gondole et ses feux d’or
dort
lente.