Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/178

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certitude absolue ; par les sciences physiques, nous lui enseignons les méthodes d’observation, nous lui donnons l’idée de nature et de loi. En même temps, les beaux morceaux des grands écrivains et des grands poètes font vibrer son âme, et lui révèlent les trésors cachés d’émotion qu’il porte en lui. Par là, l’humanité lui apparaît avec sa puissance propre et créatrice, en face de la nature. L’histoire, impartialement enseignée, lui montre que les formes religieuses se succèdent dans le développement humain comme les formes politiques et sociales, et il apprend ainsi que les formes particulières du sentiment religieux peuvent être caduques, sans que l’âme humaine cesse de se tourner vers l’infini. Enfin, quand on lui fait constater en lui-même le devoir qui règle la liberté et qui, en élevant l’homme au-dessus des penchants, l’élève au-dessus de la nature, on lui donne, sans aucun appareil métaphysique et dogmatique, le sens du supra-sensible et du mystérieux.

On n’a donc faussé ou négligé aucune partie de son être, et quand sa raison, ainsi exercée en toutes ses facultés, et habituée à la réflexion continue et à la libre critique, fera un choix entre les grands systèmes politiques, philosophiques et religieux qui se partagent le monde, elle sera libre, non pas de nom, mais de fait. Et si l’Église a peur qu’ainsi avertie et développée en tous sens, la raison du peuple répudie tout ce qui s’est