Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/306

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menacer en tout cas que leur avenir. Ils couraient donc au plus pressé, c’est-à-dire au péril clérical, et dans les lycées ou collèges de l’État affluaient les fils de tous ceux qui voulaient se solidariser avec la République.

Depuis quelques années, depuis que la bourgeoisie républicaine est définitivement nantie, et depuis que la force du socialisme s’accroît, tout est changé : ce n’est plus du côté de l’Église qu’est le péril, c’est du côté du socialisme. Il faut donc se rapprocher de l’Église, et, pour cela, le plus sûr est encore de lui confier l’éducation des fils. La bourgeoisie ayant changé de peur, ses enfants doivent changer de maîtres. Là, et non ailleurs, est le secret de la faveur croissante de l’enseignement religieux. M. de Mun disait ici, dans sa belle lettre, que si les maisons enseignantes de l’Église se peuplent de plus en plus, c’est parce que les familles comprennent de plus en plus que l’instruction ne suffit pas, que l’éducation morale est nécessaire, qu’il n’y a pas d’éducation morale sans une foi religieuse, et que cette foi religieuse, l’Université ne peut la donner. — Ah ! le beau prétexte à couvrir toutes les combinaisons de l’égoïsme de classe ! Si c’est Dieu que la bourgeoisie cherche en dehors de l’Université, que ne l’y cherchait-elle plus tôt, et d’où vient ce besoin subit du divin ? Comment expliquer que ce haut souci de l’éducation « morale » coïncide avec l’inquiétude des intérêts capitalistes ? Il n’y a éducation morale que là où il