Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/307

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y a liberté de l’esprit et de la conscience ; et confier des intelligences à l’Église pour protéger plus efficacement des intérêts sociaux, c’est supprimer toute éducation morale, puisque c’est faire de l’égoïsme et de la peur les maîtres des esprits. Si la bourgeoisie avait vraiment cette inquiétude de conscience, elle se dirait qu’au temps incertain où nous sommes, quand toutes les traditions et toutes les institutions sont contestées, le devoir est d’envoyer les enfants là où la pensée est le plus libre : qu’ils choisissent en toute indépendance, et qu’ils aillent là où la vérité leur apparaîtra, dût le privilège capitaliste en mourir ! Là serait la véritable noblesse morale.

Et ce qui aggrave l’immoralité de cette partie de la bourgeoisie qui se détourne de l’enseignement universitaire, c’est que l’Université n’est ni systématiquement irréligieuse ni socialiste. Elle ne touche au problème religieux qu’avec beaucoup de réserve, et elle est éloignée, dans son ensemble, par bien des habitudes intellectuelles et sociales, du socialisme militant. Seulement, elle n’a point de dogme, ni dogme religieux, ni dogme social : elle cherche librement, et enseigne avec prudence, mais librement aussi, la vérité. Or, la bourgeoisie menacée par le socialisme voudrait transformer le régime capitaliste en dogme social ; et elle voudrait que l’Église, en habituant les esprits à l’acceptation du dogme religieux, les préparât au dogme