Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/400

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point l’inévitable rançon des aventures heureuses. L’Empire ne s’appelle plus Sedan : il s’appelle Magenta ou Malakoff. Et puis, parce que l’odieux Bismarck a machiné la guerre de 1870, parce qu’il a falsifié les dépêches, parce qu’il a menti, il paraît que l’Empire, dupe à demi-complaisante de ce mensonge, est innocenté ; comme si la criminelle prévoyance de l’un excusait la criminelle imprévoyance de l’autre, comme si les préoccupations dynastiques de l’Empire ne l’avaient point perverti et aveuglé jusqu’à tomber, avec une sorte d’inconscience où il y avait de la préméditation, dans les pièges les plus grossiers de l’ennemi. Et enfin, si on pouvait griser de nouveau notre peuple ! si l’on pouvait exaspérer ses blessures jusqu’à la folie ! si l’on pouvait l’amener à confondre dans la même haine le militarisme prussien et la démocratie allemande ! si l’on pouvait de nouveau, par les excitations du clairon, du drapeau, des souvenirs tragiques, faire passer en lui le frisson et la tentation de la guerre ! si le peuple, la voulant aujourd’hui, pouvait s’imaginer que c’est lui qui l’a voulue il y a vingt ans ! si la France pouvait assumer ainsi les responsabilités qui écrasent le bonapartisme ! si on obtenait de la République égarée ces cris de : « À Berlin ! » qui emplirent jadis la cité soumise ! — quelle délivrance pour l’impérialisme accablé ! comme il déposerait le fardeau de honte sous lequel il se traîne depuis