Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/557

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qu’une voix discordante se soit élevée. Peut-être dans le discours, habile d’ailleurs, de M. Ribot, y a-t-il excès de préoccupation personnelle ; il a été si souvent accusé de faiblesse coupable envers l’Angleterre qu’il a exagéré cette fois en sens inverse. Je n’aime pas beaucoup certaines rodomontades : dire qu’à l’heure présente la France est pacifique non par nécessité, mais parce qu’elle le veut, alléguer que grâce à l’alliance russe nous sommes à l’abri du péril, c’est, semble-t-il, d’un effet un peu gros. Nous ne pouvons pas laisser ignorer au pays que dans un conflit avec l’Angleterre, nous ne pourrions compter ni sur notre force navale, évidemment insuffisante, ni sur la sympathie active de la Russie. Il n’y a aucune humiliation pour un peuple comme le nôtre, qui peut se heurter à la fois sur le continent et sur la mer à des nations puissantes, de reconnaître qu’il ne peut suffire à tous les dangers, et qu’il doit conduire ses affaires avec une extrême prudence. Toute fanfaronnade est suivie ou de désastreuses aventures ou de fâcheuses retraites ; il vaut mieux dire nettement et sobrement la vérité. À cet égard, le discours de M. d’Estournelles est certainement le meilleur de la séance ; plus désintéressé et plus impersonnel que celui de M. Ribot, plus précis et plus élevé que celui de M. Delcassé, il répondait très exactement au sentiment de nos amis. M. d’Estournelles, tout en faisant la part des fautes anglaises,