Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/561

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lain n’y répugne pas ; du moins dans son entourage quelques-uns murmuraient, au moment de Fashoda, qu’un conflit avec la France serait inévitable un jour ou l’autre, et qu’après tout autant vaudrait brusquer les choses tant que la marine anglaise avait une supériorité marquée. Pourtant, rien n’autorise à dire avec quelque certitude que M. Chamberlain ait eu des desseins belliqueux arrêtés.

Sa physionomie est assez énigmatique et inquiétante ; il ne me paraît pas toutefois que son évolution politique ait été aussi scandaleuse, aussi cyniquement intéressée qu’on le dit souvent. Il est bien vrai qu’il semble avoir déserté un radicalisme très démocratique pour devenir l’allié d’abord, et bientôt le ministre influent d’un gouvernement tory ; mais ce sont là des apparences un peu sommaires : depuis longtemps son radicalisme très complexe tout ensemble et très positif n’avait aucun rapport avec le libéralisme de M. Gladstone. M. Chamberlain, conformément à la tradition radicale anglaise, combattait la Chambre des lords et la grande propriété ; il voulait des lois pour assurer à chaque paysan un lopin de terre et quelques vaches, pour protéger les ouvriers industriels ; mais en même temps il voulait offrir comme dédommagement à la classe capitaliste l’exploitation d’un vaste domaine colonial unifié et rattaché plus étroitement à l’Angleterre. Il y a plus de dix