Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/563

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colonies espagnoles de l’Amérique, les États Balkaniques, que le libéralisme anglais ouvrait des débouchés nouveaux aux marchands et aux producteurs ; et M. Gladstone, retenant et poussant à l’extrême cette sorte d’idéalisme philanthropique mêlé depuis longtemps au mercantilisme anglais, songeait à résoudre par l’autonomie même les embarras intérieurs de l’Empire anglais. Il voulait émanciper l’Irlande, et la soustraire au joug des landlords anglais, comme jadis l’Angleterre aida un moment à soustraire la Grèce aux pachas turcs, et le parti libéral, non sans de cruelles hésitations, suivit Gladstone. De là, entre le libéralisme gladstonien et M. Chamberlain, un conflit violent : l’un relâchait les liens de l’Empire anglais, tandis que l’autre voulait les resserrer. Du coup, la Chambre des lords apparut à M. Chamberlain comme un moyen de résistance nécessaire au fédéralisme utopique et dissolvant de M. Gladstone. Par ses velléités démocratiques il était radical, mais par son énergique impérialisme capitaliste il était avec les torys : c’est donc sans un reniement complet de sa propre pensée qu’il se rapprocha d’eux ; et, en même temps qu’il apportait à leur politique impérialiste son esprit de décision, il essayait de leur faire adopter un régime de protection ouvrière. Il n’est donc pas le « Judas » si souvent dénoncé, et son apparente trahison n’est que la fin d’un immense malentendu.