Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/564

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Mais il n’en est pas moins un danger pour la paix du monde. Car il s’est aigri dans ces luttes ; son esprit de personnalité s’y est exalté. En outre, malgré les précautions extrêmes que prend le parti tory pour ne pas le blesser, il sent bien qu’il n’est accueilli par la vieille aristocratie anglaise qu’avec une secrète défiance : le vieux parti conservateur, qui ne subissait qu’avec peine l’éblouissant Disraeli, n’accepte pas sans dépit l’élévation soudaine de l’homme nouveau, de l’homme d’affaires de Birmingham, qui si longtemps eut contre les lords de si cruelles épigrammes. Aussi M. Chamberlain aspire-t-il à monter au sommet, c’est-à-dire à être chef du gouvernement, pour planer au-dessus des clameurs outrageantes de l’ancien parti libéral et des dédains secrets du parti tory ; et comme il ne peut s’élever au premier rang qu’en flattant la passion chauvine et impérialiste de l’Angleterre, il y a là certainement un péril. On m’a assuré à Londres qu’il paraissait depuis un an moins impatient et moins confiant en lui-même ; il a été malade ; et de plus les succès diplomatiques de lord Salisbury ont relevé l’autorité de celui-ci. M. Chamberlain apparaît aux impérialistes anglais comme un aiguillon nécessaire ; mais le sentiment m’a paru s’étendre, parmi les conservateurs eux-mêmes, qu’il y aurait danger à lui donner la conduite suprême du gouvernement.

Quant à lord Salisbury, il est, au jugement de tous