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L’IDÉAL DE JUSTICE

« La Dépêche » du dimanche 3 novembre 1889

Je disais ici, il y a huit jours, qu’il ne fallait pas mesurer à l’insuffisance du parti socialiste la puissance de l’idée de justice sociale ; cette idée, dans notre démocratie, après dix-neuf ans de République, a une grande force cachée, et cette force, elle la manifestera bientôt. Je sais bien qu’à l’heure actuelle les esprits semblent être ailleurs. Les élections signifient avant tout tranquillité, ajournement des questions qui divisent, c’est-à-dire des grandes questions ; administration régulière et paisible des intérêts. Après l’agitation factice et énervante du boulangisme, après l’orgie de boucan et d’injures à laquelle tous les ennemis de la République se sont livrés depuis des mois, le pays paraît aspirer surtout au repos ; et certes, ceux-là seraient bien maladroits et bien coupables qui rouvriraient les agitations vaines et les crises. Mais le pays de France ne saurait se passer longtemps d’idéal.

Or, la liberté étant sauvée, de quel côté pourra se tourner le besoin renouvelé d’idéal, si ce n’est vers la justice sociale ? Quand le dernier écho de l’aventure