Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/350

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et l’externe. Il dit : L’étendue est composée, elle a donc des parties, mais ces parties, à leur tour, si elles sont composées, ne subsistent point par elles-mêmes ; il faut donc arriver à des éléments simples, et ce sont des points de force inétendus qui constituent la réalité. Ils créent, par leur relation confusément perçue, l’apparence de l’étendue. Mais ici tout le raisonnement de Leibniz nous paraît crouler par la base ; l’étendue n’est pas un composé, elle n’est pas un agrégat, elle est un continu, ce qui est bien différent. Elle n’est point formée de parties, et la preuve, c’est que toutes les divisions que l’on introduit en elle sont purement arbitraires. Telle fraction d’étendue peut être divisée en autant de parties que l’on voudra. De plus, ces divisions sont purement fictives, aucune force au monde ne peut fractionner l’étendue, elle est une et indivisible. Bien loin qu’elle soit constituée par des parties, c’est elle qui, par sa continuité, permet à l’esprit d’y déterminer des parties, comme il lui convient. Il n’y a donc pas de raisonnement qui puisse, partant de l’étendue, aboutir à l’élément inétendu, au point de force ; c’est sortir de l’étendue ou, plutôt, c’est la contredire. Si Leibniz supprime ainsi par une fausse analyse l’étendue elle-même, s’il supprime, au fond, la continuité de l’espace, c’est qu’il supprime dans le monde la continuité de l’action. Toutes les monades sont enfermées en elles-mêmes, elles n’agissent point sur les autres monades, elles développent seulement leur richesse interne, elles font passer graduellement de l’obscurité à la clarté, de la virtualité à l’acte, tout leur contenu, et l’ordre selon lequel elles se développent correspond à l’ordre universel, c’est-à-dire au développement simultané de toutes les autres monades, mais il n’y a entre elles