Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/424

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une singulière erreur. À ce point de vue, tous les faits encore obscurs ou insuffisamment contrôlés de magnétisme, de vision à distance, de suggestion contribueront à nous donner du cerveau une idée beaucoup plus exacte. S’il est vrai, comme l’affirment de nombreux témoins dont il est difficile de suspecter la bonne foi, que l’organisme humain puisse développer, en certains cas, un magnétisme capable de soulever une table, comme c’est surtout par l’application de la volonté que ces phénomènes se produisent, et que c’est à l’insu de leur propre organisme que ces personnes déploient une force motrice inconnue sur des objets extérieurs, il apparaît bien que l’énergie cérébrale rayonne bien loin hors de son foyer. Il apparaît aussi que le moi peut exercer une action sur la matière sans recourir, au moins consciemment, à l’intermédiaire de l’organisme, qui n’est plus un instrument actif, mais un conducteur passif. Le phénomène de la double vue dans certains états hypnotiques spéciaux paraît démontré aujourd’hui. Il est permis à certains sujets de voir, de lire à travers une barrière qui pour nous est opaque. Ainsi, l’opacité de la matière n’est plus que relative. Et comme, pour l’imagination, ce qui sépare le plus notre cerveau du monde enveloppant, c’est l’opacité de notre organisme, cette opacité s’évanouissant laisse en contact immédiat, pour notre imagination elle-même, le foyer cérébral et l’univers. Ainsi, le cerveau peut dépasser infiniment l’organisme, il peut rayonner, palpiter, agir bien en dehors de ses limites. Le cerveau n’apparaît plus comme un organe clos retiré dans une cavité dure ; nous voyons, dans l’ordre même de la physiologie, le moi individuel s’agrandir et, sans perdre ses attaches nécessaires à un organisme particulier, se créer en dehors de cet