Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/43

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déterminer l’infini sans l’altérer. Ce qui fait le mystère religieux de l’espace, ce n’est donc pas qu’il y subsiste ou qu’il y puisse subsister des dimensions inconnues, c’est, au contraire, qu’il résume en trois déterminations l’infinie puissance et liberté de l’être, et qu’il exprime si bien, par la détermination absolue de la puissance absolue, la pénétration, en Dieu ou, si l’on veut, dans l’être, de la puissance infinie et de l’acte infini. Donc nous sommes conduits invinciblement à considérer dans l’être l’acte et la puissance, non seulement parce que l’analyse même de l’idée de réalité nous a paru impliquer la puissance et l’acte et leur union, mais encore parce que l’être, ainsi compris, nous permet une première déduction de l’univers. Si nous avons suivi M. Lachelier, en le discutant, dans la justification qu’il a essayée de l’être, dans la déduction qu’il a tentée de l’étendue et de la ligne, ce n’est pas pour ébaucher en quelques mots présomptueux un système de l’être et du monde. Non, mais ayant amené le problème de la réalité du monde au problème de l’être, nous avons voulu opposer d’emblée à sa logique métaphysique de l’être la métaphysique immédiate de l’être. Ce n’est pas l’idée de la vérité ou l’idée de l’être que nous posons tout d’abord : c’est l’être lui-même, identique à la pensée et inséparable d’elle ; c’est l’être qui, s’affirmant éternellement lui-même et étant à lui-même sa propre possibilité, est à la fois puissance et acte. Comme activité absolue il est en même temps l’unité absolue, car il doit avoir en lui-même sa propre fin. Dès lors l’univers sera soumis à une loi suprême d’unité, mais en même temps l’être étant la puissance absolue, c’est-à-dire l’absolue indétermination, cette unité sera dans le monde indéfiniment dispersée. Mais l’acte infini