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HISTOIRE SOCIALISTE

Grâce à ce nombre élevé de délégués dans les assemblées des bailliages, la bourgeoisie des villes n’agissait pas seulement d’une façon directe sur le choix des députés, par le nombre de suffrages dont elle disposait. Elle agissait encore par le prestige de toutes ses forces sociales ainsi rassemblées, et elle fournissait pour ainsi dire le type dominant, la formule directrice des vœux et des cahiers.

Quel était donc en chaque bailliage le mécanisme exact de l’élection ? Il y avait deux catégories de bailliages, les bailliages qui avaient, selon les précédents de 1614 le droit d’envoyer directement leurs députés aux États généraux : ce sont les « bailliages principaux ».

Et il y avait les bailliages qui ne pouvaient députer aux États généraux qu’indirectement, en se rattachant à un autre bailliage, en envoyant d’abord leurs délégués délibérer, en un arrondissement du bailliage principal. Ce sont les bailliages secondaires.

Mais si tous les bailliages secondaires étaient rattachés électoralement à un bailliage principal, tous les bailliages principaux n’avaient pas comme annexe un bailliage secondaire. De là, au point de vue de la procédure électorale deux groupes de bailliages distincts, dans le règlement du 27 décembre 1788.

Il y a les bailliages principaux qui ont comme annexe un bailliage secondaire ou même plusieurs bailliages secondaires et qui doivent former une assemblée générale commune avec ceux-là.

Il y a les bailliages principaux qui n’ont comme annexe aucun bailliage secondaire et qui procèdent seuls à la formation de l’assemblée générale : pour ces derniers la procédure électorale est plus simple d’un degré, mais, sauf la suppression d’un des rouages intermédiaires, le mécanisme électoral est le même pour les deux groupes de bailliages. En voici les grands traits : pour la noblesse, l’élection des députés aux États généraux est toujours directe, pour le clergé, elle est en partie directe, en partie à plusieurs degrés : pour le Tiers État l’élection est toujours à plusieurs degrés.

Tout le mécanisme électoral du bailliage devait aboutir à un ressort suprême, à une « assemblée générale », comprenant les délégués définitifs qui nommaient les députés aux États généraux.

Or, tous les nobles, qu’ils fussent ou non possédant fiefs, étaient directement convoqués à l’assemblée générale et définitive. Ils n’avaient point à faire parmi eux une première sélection : tous au même titre et au même degré, étaient appelés à concourir directement à l’élection des députés de leur ordre.

La royauté poussa si loin ce respect de la fierté individuelle de chaque noble qu’à Paris même le règlement spécial divise la ville pour les assemblées de la noblesse en vingt départements afin que tous les nobles puissent, personnellement, prendre part aux assemblées.