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HISTOIRE SOCIALISTE

signal d’espérance qui a été compris. La Commune clôt la seconde période où le socialisme s’affirme comme une force de premier ordre, confuse encore et convulsive, mais c’est bien elle, aussi, c’est bien la Commune qui a rendu possible la période nouvelle, celle où nous sommes tous engagés et où le socialisme procède méthodiquement à l’organisation totale de la classe ouvrière, à la conquête morale des paysans rassurés, au ralliement de la bourgeoisie intellectuelle désenchantée du pouvoir bourgeois, et à la prise de possession complète du pouvoir pour des formes nouvelles de propriété et d’idéal.

Maintenant la confusion n’est plus à craindre. Il y a dans la classe ouvrière et le parti socialiste unité de pensée. Malgré les chocs des groupes et les rivalités superficielles, toutes les forces prolétariennes sont unies, au fond, par une même doctrine et pour une même action. Si demain le prolétariat s’emparait du pouvoir tout entier, il en pourrait d’emblée faire un usage défini et décisif. Il y aurait à coup sûr des conflits de tendances. Les uns voudraient fortifier et pousser au plus haut l’action centrale de la communauté, les autres voudraient assurer aux groupes locaux de travailleurs la plus large autonomie possible. Pour régler les rapports nouveaux de la nation, des Fédérations professionnelles, des communes, des groupes locaux, des individus, pour fonder à la fois la parfaite liberté individuelle et la solidarité sociale, pour donner forme juridique aux innombrables combinaisons de la propriété sociale et de l’action des individus, un immense effort de pensée sera nécessaire ; et dans cette complexité il y aura des désaccords. Mais, malgré tout, c’est un commun esprit qui meut aujourd’hui les socialistes, les prolétaires ; le socialisme n’est plus dispersé en sectes hostiles et impuissantes. Il est de plus en plus une grande unité vivante et qui multiplie ses prises sur la vie. C’est de lui maintenant que toutes les grandes forces humaines, le travail, la pensée, la science, l’art, la religion même, entendue comme la prise de possession de l’univers par l’humanité, attendent leur renouvellement et leur essor.

Comment, à travers quelles crises, par quels efforts des hommes et quelle évolution des choses le prolétariat a-t-il grandi jusqu’au rôle décisif qu’il va jouer demain ? C’est ce que nous tous, militants socialistes, nous nous proposons de raconter. Nous savons que les conditions économiques, la forme de la production et de la propriété sont le fond même de l’histoire. De même que pour la plupart des individus humains l’essentiel de la vie, c’est le métier, de même que le métier, qui est la forme économique de l’activité individuelle, détermine le plus souvent les habitudes, les pensées, les douleurs, les joies, les rêves même des hommes, de même, à chaque période de l’histoire, la structure économique de la Société détermine les formes politiques, les mœurs sociales, et même la direction générale de la pensée. Aussi nous appliquerons-nous, à chaque époque de ce récit, à découvrir les fondements économiques de la vie humaine. Nous tâcherons de suivre le mouvement de la propriété, et