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HISTOIRE SOCIALISTE

La paroisse de Baillet (Paris hors murs) dit, à l’article 5 de son cahier : « Il serait à souhaiter que les seigneurs, pour le bien et l’avantage de leurs vassaux, voulussent bien partager leurs terres en plusieurs lots et leur en donner à chacun une portion. Par ce moyen, les seigneurs auraient la consolation de voir vivre leurs vassaux ; ou du moins que chaque fermier ne jouisse que d’une seule ferme, au lieu qu’il y en a beaucoup qui en occupent deux, autres trois, d’autres quatre, et s’en tienne à son labour, sans entreprendre d’autre commerce ; au lieu qu’il y en a beaucoup qui ne sont pas encore contents ; font d’autre commerce, et n’occupent que presque moitié de manouvriers que quatre fermiers occuperaient. Il n’y a qu’un seul homme qui vit. Il tient tous les journaliers sous sa domination, donne ce qu’il veut, par jour, aux journaliers, un prix assez modique. Pourvu qu’ils amassent, ils sont contents. »

« Il y en a d’autres qui sont plus populaires, mais le nombre en est petit. Il y a trente ou quarante ans, ils avaient des bidets d’environ 3 ou 4 louis, les plus huppés ; ils vivaient, et le peuple aussi. À présent, ce sont des bidets de 30, 40 louis et plus ; d’autres des cabriolets. Y a-t-il le labour en terre d’une ferme à vendre ? Ils s’en rendent acquéreur à tel prix que ce soit, de sorte qu’il n’y a plus que la plupart d’eux qui vivent. »

Le Tiers-État de Paris hors murs demande expressément (article 14 du chapitre agriculture) « que tout cultivateur ne puisse exploiter qu’un seul corps de ferme, de tel nombre d’arpents qu’elle soit composée, sauf que, dans le cas où elle contiendrait moins de quatre cents arpents, le fermier pourra y ajouter jusqu’à cette concurrence. »

Ce n’est pas seulement en exploitant eux-mêmes, directement, grâce à la puissance de leurs capitaux, de nombreuses fermes que les grands fermiers excitaient les plaintes des fermiers pauvres. Les riches fermiers faisaient aussi le rôle lucratif d’intermédiaires : ils prenaient en location un assez grand nombre de fermes ou même de métairies, et ils les sous-louaient ensuite à des fermiers moins puissants ou à des métayers. C’est la plainte qui s’élève, notamment, de presque tous les cahiers de paroisse de l’Autunois, recueillis par M. de Charmasse :

« Dans presque tout l’Autunois, dit par exemple la commune de la Comelle-sous-Sevray, on fait exploiter les domaines par des cultivateurs qui ont ou qui, du moins, devraient avoir la moitié de tous les fruits et profits du bétail : le propriétaire a l’autre moitié. Aujourd’hui presque tous les propriétaires amodient leurs domaines, et ce sont les fermiers qui choisissent les cultivateurs et traitent avec eux mais loin de leur donner la moitié du produit, ils les surchargent de manière qu’à peine ont-ils le quart. Ils obligent ces cultivateurs à leur donner chaque année une somme plus ou moins considérable, selon la valeur du domaine ; ils les chargent des rentes et des vingtièmes ; ils se réservent quelques journaux de terre que les