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Page:Jaurès - Histoire socialiste, I.djvu/472

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HISTOIRE SOCIALISTE

étaient remis mois par mois, jusqu’à concurrence de 170 millions, en garantie de ses avances au Trésor.

La défaveur de la Caisse d’Escompte s’était étendue aux assignats négociés par elle, malgré la spécialité et la solidité du gage national sur lequel ils reposaient. Ainsi, la Révolution qui avait cru renforcer son crédit du crédit de la Caisse d’Escompte, n’aboutissait qu’à noyer son propre crédit dans le discrédit de cette caisse surmenée.

Et d’autre part, comme la Révolution ne pouvait négocier directement sur le marché les 230 millions d’assignats qu’elle n’avait point remis à la Caisse d’Escompte, parce qu’elle ne voulait pas faire concurrence aux assignats dont disposait cette dernière, l’arrêt subi par les assignats de la Caisse d’Escompte s’étendait à la totalité des assignats : ils faisaient queue, pour ainsi dire, en attendant que les assignats de la Caisse trouvent preneur : et comme ceux-ci se heurtaient à une défiance générale, tous étaient immobilisés derrière eux. La Révolution comprit qu’elle devait se dégager de cette ornière, prendre confiance en sa force propre, et établir le contact entre les assignats et le pays tout entier. Il fallait donc faire des assignats un papier monnaie, ayant cours forcé entre toutes les personnes dans toute l’étendue du royaume.

C’est ce qu’Auson, rapporteur du Comité des finances, proposa à la Constituante, dans son beau rapport du 9 avril ; il établit d’abord que l’insuffisance du numéraire, ou exporté ou enseveli, paralyse les transactions et qu’il y faut remédier, même par des mécanismes nouveaux.

« Il en est, dit-il, de la machine politique, comme de celles qui concourent aux travaux de l’industrie : quand le secours des fleuves et des ruisseaux lui est refusé par la nature, le fluide vient au secours de l’homme ingénieux qui fait soumettre l’air et le feu aux besoins des arts. Employons à son exemple, la ressource d’une circulation nouvelle, au lieu de ces métaux enfouis, qui refusent de couler dans le Trésor public : et bientôt la grande machine de l’État, dont la stagnation vous effraie, va reprendre son activité. »

C’est bien en effet une force nouvelle analogue à celle de la vapeur et du feu, c’est une sorte de crédit ardent et subtil entretenu par la foi de la Révolution en elle-même, qui va servir de moteur à toute la machine. Qu’on ne compte plus sur le crédit de la Caisse d’Escompte : il est épuisé. Qu’on n’hypothèque plus par des anticipations le produit des impôts des années suivantes : c’est justement pour réparer ces désordres que la Révolution s’accomplit.

Qu’on accepte pour la vente des biens nationaux, le concours dévoué des municipalités, mais qu’elles ne soient pas admises à émettre des « billets de municipalités », gagés sur les biens dont elles ont assumé la vente : après tout ces billets n’auraient de crédit que si la nation croyait au succès de la vente.