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HISTOIRE SOCIALISTE

médiatement versée, cela n’atteint pas la Révolution au cœur : mais si l’assignat, si la monnaie révolutionnaire, instrument de l’expropriation de l’Église et des ventes libératrices, est frappé de discrédit, la Révolution, paralysée soudain, chancelle. C’est avec le sentiment de ces responsabilités terribles que la Constituante tâtonne dans la question des assignats : elle leur attache un intérêt comme on attacherait un parachute à la montgolfière qui emporte aux hasards de l’espace tout le destin de la patrie.

Pourtant les observations de Pétion ne furent point sans effet et dès le mois d’avril l’assignat évolue vers son rôle définitif d’assignat-monnaie. D’abord la Constituante abaisse à 3 pour cent l’intérêt fixé en décembre à 5 pour cent : et ce changement de chiffre a une signification très grande. Quand l’assignat recevait 5 pour cent il était considéré comme un titre de créance, portant l’intérêt ordinaire des titres de créance. Abaisser l’intérêt à 3 pour cent, au-dessous de l’intérêt normal des créances d’État, c’était dire qu’on ne considérait plus l’assignat comme un titre de créance et que l’intérêt réduit qu’on y attachait encore n’était qu’une prime de circulation à une monnaie insuffisamment accréditée encore. Cette première réduction de l’intérêt en prépare la suppression.

De plus la Constituante divise l’assignat de mille livres : elle décrète le 17 avril « les assignats seront depuis 1.000 livres jusqu’à 200 livres : l’intérêt se comptera par jour : l’assignat de 1.000 livres vaudra 1 sol 8 deniers par jour, celui de 300 livres 6 deniers, celui de 200 livres 4 deniers. »

Et non seulement l’assignat est ainsi divisé ; mais l’article 7 stipule : « pour éviter toute discussion dans les paiements, le débiteur sera toujours obligé de faire l’appoint et par conséquent de se procurer le numéraire d’argent nécessaire pour solder exactement le solde dont il sera redevable. »

Ainsi la Constituante se préoccupe d’assurer l’emploi et la circulation de l’assignat.

Et, surtout, elle met un terme aux hésitations des acquéreurs, de biens nationaux en déchargeant les biens d’Église mis en vente, de toute hypothèque. L’Église avait beaucoup emprunté ; elle avait donné hypothèque sur ses domaines à ses créanciers ; et les acquéreurs pouvaient toujours craindre que les créanciers ne fissent valoir leur droit. La Constituante décréta : « les dettes du clergé seront réputées nationales ; le Trésor public sera chargé d’en acquitter les intérêts et capitaux ».

La nation déclare qu’elle regardera comme créanciers de l’État tous ceux qui justifieraient avoir légalement contracté avec le clergé et qui seraient porteurs de contrats de rente assignés par lui : elle leur affecte et hypothèque, en conséquence, toutes les propriétés et revenus dont elle peut disposer, ainsi qu’elle le fait pour toutes ses autres dettes.

Ainsi la nation substituait une hypothèque générale sur l’ensemble des biens nationaux à l’hypothèque spéciale des créanciers du clergé : et par là