LA FÉDÉRATION
C’est le 12 juillet 1790, deux jours avant le premier anniversaire de la prise de la Bastille et la fête de la Fédération que fut définitivement votée la constitution civile du clergé. On peut dire que cette année 1790 fut la plus « organique » de la Révolution. Avant qu’elle prit fin, toutes les institutions fondamentales de la société nouvelle étaient créées et un élan décisif était donné à la Révolution. La souveraineté nationale était proclamée ; la loi était définie l’expression de la volonté générale ; les droits de l’homme étaient affirmés ; la permanence des assemblées était décidée ; le système féodal était aboli, au moins en son principe, les dîmes étaient supprimées ; la propriété ecclésiastique était mise au service de la nation et l’assignat, instrument nécessaire des ventes était créé, les ventes commençaient dès la fin de 1790, et ainsi la source abondante jaillissait où la Révolution pourra puiser pendant sa longue lutte contre l’univers conjuré ; les rapports nouveaux de la société civile et de l’Église sont précisés, et le principe électif, la souveraineté populaire pénètrent jusque dans le domaine religieux.
En août 1790, la justice est complètement réorganisée selon le même principe : au premier degré l’arbitrage facultatif, puis des juges de paix élus pour deux ans par les citoyens actifs ; puis des tribunaux civils, formés de cinq juges élus pour six ans et rééligibles ; enfin une hiérarchie de juges criminels également élus, et au sommet, une Haute Cour nationale, devant laquelle le Corps législatif poursuivrait les crimes commis contre l’État. Il n’y a que l’institution militaire que l’Assemblée modifia à peine. Elle ne voulait pas suivre Dubois-Crancé qui lui proposait dès 1789, un plan d’armée nationale avec service obligatoire universel.
L’idée de la conscription lui répugnait : le service militaire lui paraissait contraire aux droits du citoyen libre ; et le soldat, s’il n’était volontaire, lui semblait une sorte d’esclave public. C’est seulement quand les périls immédiats de la nation obligeront la Révolution à proclamer la levée en masse, que l’esprit révolutionnaire façonnera vraiment l’armée.
Mais dans l’ensemble on peut dire que dès la fin de l’année 1790, les principes de la Révolution étaient posés et que les institutions principales étaient fondées. Et des observateurs bienveillants et superficiels pouvaient croire, à ce moment, que la Révolution allait triompher sans obstacle et sans violence. La formidable opposition religieuse qui prendra pour prétexte la Constitution civile, n’est pas nettement dessinée encore, et les intrigues des émigrés au dehors semblent ne trouver ni point d’appui, ni centre. Ce n’est pas que la contre-révolution ait désarmé.
Les prêtres commencent à répandre l’alarme et à inquiéter les conscien-