qu’ils étaient lors de la Révolution ; l’un veut la Constitution, et c’est celui qui l’a faite ; l’autre ne la veut pas, et c’est celui qui s’y est opposé. Il est quelques individus qui sont passés d’un parti dans l’autre, mais ce sont des exceptions ; il est aussi quelques nuances dans les opinions.
« Ne vous y trompez pas, les choses n’ont pas changé ; les préjugés ne s’effacent pas en un jour. On veut aujourd’hui ce qu’on voulait hier : des distinctions et des privilèges. Que l’on colore ces prétentions comme on voudra, la forme n’y fait rien, voilà le fond.
« Il est donc temps que le tiers état ouvre les yeux, qu’il se rallie, ou bien il sera écrasé. Tous les bons citoyens doivent déposer leurs petits ressentiments personnels, faire taire leurs passions particulières, et tout sacrifier à l’intérêt commun. Nous ne devons avoir qu’un cri : Alliance de la bourgeoisie et du peuple ; ou si on l’aime mieux : Union du tiers état contre les privilèges.
« Cette fédération sainte détruit à l’instant tous les projets de l’orgueil et de la vengeance. Cette fédération évite la guerre, car il n’est point de forces à opposer à une aussi immense puissance. C’est alors qu’il est vrai de dire que vingt-cinq millions d’hommes qui veulent la paix sont invincibles. Mais les rebelles, mais les puissances qui les soutiennent ne comptent pas aujourd’hui sur cette résistance imposante, ils croient ces vingt-cinq millions divisés et ce schisme les enhardit.
« Je ne puis trop vous le répéter : union du tiers état, et la patrie est sauvée. Elle le sera. Je n’en doute pas. La bourgeoisie sentira la nécessité de ne faire qu’un avec le peuple, et le peuple sentira la nécessité de ne faire qu’un avec la bourgeoisie ; leur intérêt est indivisible, leur bonheur est commun.
« On a la perfidie de répéter sans cesse au peuple qu’il est plus malheureux que sous l’ancien régime. Je ne prétends pas dire que le peuple ne souffre pas ; mais tous les citoyens souffrent, et il est impossible qu’une Révolution s’opère sans privation et sans douleur. Le passage du despotisme à la liberté est toujours pénible. Ah ! que n’ont pas souffert, pendant sept années entières, ces généreux Américains, manquant de tout, de vêtements, de subsistances, bravant l’intempérie des saisons, combattant sans cesse avec courage, avec opiniâtreté ; rien n’a pu lasser leur persévérance et ils ont surmonté tous les obstacles, et ils sont aujourd’hui les hommes les plus libres et les plus heureux de la terre. Imitons ce grand exemple et comme eux nous obtiendrons un bonheur solide et durable.
« Voulons fortement et nous serons plus formidables que jamais. Ces ligues de puissances dont on nous menacerait disparaîtront comme de vains fantômes ; le premier coup de canon sera le signal de notre réunion et de la mort de nos ennemis. »
La lettre est bien, comme je l’ai dit, d’un esprit médiocre. Pétion indique