Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/371

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« Il sera créé et organisé une instruction publique commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensables pour tous les hommes, et dont les établissements seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division du royaume. »

Publique ? c’est donc la nation qui devra l’organiser et la contrôler. Commune à tous les citoyens ? L’expression ainsi isolée serait ambiguë. La Constituante n’entend pas que tous, les enfants recevront la même instruction. D’abord elle prévoit des degrés dans l’instruction, puisqu’elle ne décrète la gratuité que pour les écoles élémentaires. Et en second lieu, elle n’entendait pas abolir tout enseignement privé, puisque le projet rapporté par Talleyrand et vivement applaudi par l’Assemblée se termine par un titre spécial : Liberté de l’enseignement ; dont l’article unique est celui-ci : « Il sera libre à tout particulier, en se soumettant aux lois générales sur l’enseignement public, de former des établissements d’instruction ; ils seront tenus seulement d’en instruire la municipalité et de publier leurs règlements. » « Commune à tous » signifie donc qu’aucune idée de caste ne séparera les enfants de la nation, qu’il n’y aura pas des écoles réservées aux nobles ou aux ci-devant nobles ou encore à ceux qui payent un chiffre déterminé de contribution, et que légalement toute école sera ouverte à tous, sans autre limite que les ressources de temps et d’argent dont peuvent disposer les familles. Cela signifie aussi que tous les enfants, même ceux qui doivent parvenir à de plus hauts degrés d’instruction, passeront par les écoles primaires. Enfin l’article constitutionnel établissait la gratuité des écoles élémentaires.

Comment, par quels traits, Talleyrand, interprète des nombreux Comités qui étudièrent le problème, a-t-il fixé la pensée de la Constituante ? Celle-ci ne put discuter le rapport, mais elle décida qu’il serait imprimé et distribué à l’Assemblée qui allait venir. C’est donc comme le testament intellectuel de la première Assemblée révolutionnaire ; c’est aussi le point de départ et comme le thème tout préparé des travaux de la seconde.

Tout d’abord, l’instruction doit être universelle et en tout sens : universelle, parce que tous doivent la recevoir, universelle, parce que tous doivent être également admis à la donner, universelle, enfin, parce qu’elle doit porter sur toute l’étendue du savoir humain. « Elle doit exister pour tous, car puisqu’elle est un des résultats, aussi bien qu’un des avantages de l’association, on doit conclure qu’elle est un bien commun des associés : nul ne peut donc en être légitimement exclu ; et celui-là qui a le moins de propriétés privées semble même avoir un droit de plus pour participer à cette propriété commune.

2o « Ce principe se lie à un autre. Si chacun a le droit de recevoir les bienfaits de l’instruction, chacun a, réciproquement, le droit de concourir à les répandre : car c’est du concours et de la rivalité des efforts individuels que naîtra toujours le plus grand bien. La confiance doit seule déterminer