Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/793

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21 septembre, vaincu l’étranger. L’émotion était grande dans le monde, et les classes dirigeantes anglaises, les classes moyennes comme l’aristocratie, se demandaient si ce tremblement de terre n’allait pas ébranler leurs privilèges et leur puissance. Dans le moindre mouvement populaire, dans la plus petite émeute au sujet des salaires, elles voyaient un commencement de révolution. Et aussi bien, il était impossible de savoir de quelle pensée était travaillé le peuple ouvrier anglais. Quand le ministère anglais, devançant la date de la convocation, réunit le Parlement le 15 décembre 1792, afin d’aviser aux mesures à prendre contre le péril révolutionnaire, ce n’est pas seulement Burke, ce sont des libéraux comme Windham, restés longtemps fidèles à Fox, qui poussent le cri de la peur. Fox essaie en vain de les rassurer.

« Il y a bien eu, dit-il, quelques petites émeutes en différentes parties du pays, mais je demande si les prétextes de ces soulèvements étaient faux et imaginés seulement pour couvrir une tentative de détruire notre heureuse Constitution. J’ai entendu parler d’un tumulte à Shields, d’un autre à Leith, d’une émeute à Yarmouth et de mouvements de même nature à Perth et Dundee. Mais je demande aux gentlemen s’ils croient que dans ces différents endroits l’objet avoué de la plainte du peuple n’était pas le vrai ; je leur demande si les matelots à Shields, à Yarmouth, ne demandaient pas réellement un accroissement de salaires, s’ils étaient mus par le dessein de renverser la Constitution. »

Sans doute, mais les classes conservatrices craignaient qu’un état d’esprit révolutionnaire ne fût répandu dans le peuple, et que dans cette atmosphère ardente tous les mouvements, même ceux qui avaient un autre objet, ne devinssent des mouvements de révolution. Et elles commençaient à s’alarmer pour leur propriété comme pour leur pouvoir politique. Windham expliquait ainsi son dissentiment avec Fox. La vraie question est celle-ci :

« Le pays est-il en ce moment en état de danger, oui ou non ? On a dit qu’il n’y avait pas de cause réelle à l’alarme qui s’est répandue parmi le peuple, que toute cette frayeur avait été créée par le gouvernement seul. Il faut vraiment que le gouvernement ait eu une étrange et merveilleuse puissance pour produire ainsi les alarmes qui se manifestaient chaque jour dans tout le pays. Mais ce sont des alarmes sérieuses et bien fondées qui sont créées non pas par le gouvernement mais par ceux qui ont juré inimitié à tout gouvernement. Est-ce que tout le pays ne les ressent pas ? Est-ce que chaque bourg, chaque village, chaque hameau n’est pas plein d’appréhension ? Quelqu’un peut-il entrer dans sa propre maison ou se promener dans la campagne sans constater que cet objet occupe l’attention de toutes les catégories du peuple ?…

«…Il est vrai que les mesures (de police) prises maintenant dans tout le pays sont sans précédent, mais il faut dire aussi que les circonstances sont sans précédent. Sans doute des opinions spéculatives ont été publiées de