Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/97

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tente encore de s’opposer aux massacres. Le 4, « le Conseil, profondément affligé des nouvelles qu’on lui apporte encore de l’Abbaye, y envoie deux commissaires pour y rétablir le calme. D’après la lecture d’une lettre d’un commissaire à la Force, le Conseil envoie encore six commissaires pour tâcher d’arrêter le bras vengeur qui frappe les criminels. »

Évidemment la Commune ne veut pas ou n’ose pas prendre des mesures rigoureuses. Mais il est visible aussi que par ses délibérations elle ne cherche pas à se couvrir ; elle souffre de son impuissance. Le 5, la Commune « arrête que les prisonniers de l’Hôtel de la Force, détenus actuellement à Saint-Louis de la Culture, seront transférés à Sainte-Pélagie. Le Conseil nomme pour commissaires à cet effet, MM. Baudouin et Lecamus ; ils se feront accompagner de force armée. » Le transfert des détenus n’avait pu s’opérer complètement ; car le 6, « le Conseil entend lecture d’une lettre de M. le Maire qui annonce que les exécutions se continuent à la Force. Le Conseil députe à M. le Maire pour l’inviter à se rendre à la Maison commune pour délibérer sur les moyens d’arrêter l’effervescence à ce sujet ; arrête en outre qu’il sera fait une proclamation à ce sujet. » Et bientôt après, « MM. les membres du Conseil ayant M. le Maire à leur tête, se transportent à l’Hôtel de la Force pour rappeler les citoyens à l’exécution de la loi qui protège les personnes et les propriétés. »

Le mouvement de retour à l’humanité, à la pitié est si vif que Sergent, un des membres du Comité de surveillance, un de ceux qui le 2 septembre signèrent l’ordre de « juger tous les prisonniers de l’Abbaye », cherche à se dégager. Le jeudi 6 septembre au soir, au Conseil général de la Commune, « M. Sergent développe les moyens odieux que l’on emploie pour calomnier le peuple ; il peint sa bonté, sa générosité, sa justice, il se plaint qu’on répand le bruit atroce de piller les magasins et les riches. Il s’étend beaucoup sur les preuves que le peuple a données de son respect pour les propriétés ; il avance que pour rendre quelqu’un vertueux, il faut paraître disposé à croire à sa vertu ; il conclut en demandant que le Conseil général arrête une proclamation qui, en faisant sentir au peuple ses vertus, lui fît craindre de les ternir. Il est chargé de rédiger cette proclamation et de la présenter sur-le-champ au Conseil. » Il est vrai que c’est surtout contre toute pensée de « pillage », contre toute atteinte à la « propriété », que Sergent veut mettre en garde le peuple de Paris ; mais s’il passe sous silence les massacres, s’il évite de les blâmer ou de les désavouer, il ne se risque pas non plus à en faire l’apologie. Et ce silence est déjà une sorte de désaveu. La partie modérée de la Commune ne voulut pas laisser au Conseil de surveillance le bénéfice des conseils de sagesse, et le 7 septembre, « M. le Maire rend compte des moyens employés par les ennemis du bien public pour faire regarder avec horreur les citoyens de Paris. Il assure qu’on fait courir des listes de proscription pour effrayer ceux qui résident dans cette ville immense et en éloigner tous les étrangers. Il